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The immunities of States and international organisations

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Suisse
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Jurisprudence
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http://www.cahdidatabases.coe.int/C/Immunities/Switzerland/1978/378
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CE DOCUMENT PEUT ETRE CITE COMME SUIT :
Base de données du CAHDI "Les immunités des États et des organisations internationales" - contribution de Suisse - Jurisprudence du 04/10/1978

Jenni, Mouvement Vigilance et Groupe Vigilant du Grand Conseil genevois c. Conseil d'Etat du canton de Genève

(service) Auteur

1ère Cour de droit public du Tribunal fédéral Suisse

Date de la décision, du jugement ou de l'arrêt

04/10/1978

Points de droit

Résumé de l’affaire

Faits
A.- L'Association de transport aérien international (en abrégé: IATA), créée à La Havane en avril 1945, a pour buts statutaires d'encourager le développement de transports aériens surs, réguliers et économiques, de favoriser le commerce aérien, de fournir les moyens propres à une collaboration des entreprises de transports aériens, engagées directement ou indirectement dans les services de transports aériens internationaux, et de coopérer avec l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) et autres organisations internationales. Elle constitue une association incorporée selon le droit canadien par loi du 18 décembre 1945; son siège est fixé à Montréal. L'IATA a dans le canton de Genève un siège subsidiaire. Selon un accord conclu entre les autorités genevoises et cette organisation, les membres étrangers du personnel de cette association bénéficiaient d'un a battement de 40% sur leurs impôts. Cet accord ayant été dénoncé par le Gouvernement genevois, l'IATA s'est adressée au Département politique fédéral en vue de régler le statut fiscal de ses services et de son personnel en Suisse. La Mission permanente de la Suisse près les organisations internationales à Genève a soumis au Conseil d'Etat du canton de Genève, à la demande du Département politique fédéral, le texte d'un projet d'accord. Ce dernier devait être conclu sur la base des dispositions de l'arrête fédéral concernant la conclusion ou la modification d'accords avec des organisations internationales en vue de déterminer leur statut juridique en Suisse. L' arrête prévoit que si un accord comporte des dispositions contraires au droit cantonal du siège de l'organisation internationale (par exemple, droit fiscal), l'approbation du canton intéressé devra être obtenue. La Mission permanente priait le Conseil d'Etat genevois de faire connaître dés que possible l'avis des autorités genevoises sur ce projet d'accord, tendant notamment à exonérer, sous certaines réserves, l'IATA des impôts directs et indirects ainsi que des taxes fédéraux, cantonaux et communaux, et à exonérer également de tous impôts fédéraux, cantonaux et communaux sur les traitements, émoluments et indemnités versés par l'IATA les membres du personnel de celle-ci qui n'ont pas la nationalité suisse.
Par lettre du 13 octobre 1976, le Conseil d'Etat a fait savoir à la Mission permanente qu'il était "en principe d'accord" avec le texte proposé. Il a cependant exprimé le voeu que trois articles complémentaires soient inclus dans le texte, en ce qui concerne le but des privilèges, la levée des immunités et la non-responsabilité de la Suisse.
Le 20 décembre 1976, le Conseil fédéral et l'IATA ont conclu un accord "pour régler le statut fiscal des services et du personnel de cette organisation en Suisse". Le texte définitif de cet accord est presque identique à celui qui avait été soumis au Conseil d'Etat genevois.
Ayant appris par la lecture d'un article paru dans un quotidien genevois du 28 janvier 1977 l'existence de l'accord du 20 décembre 1976, Hermann Jenni, à Genève, le "Mouvement Vigilance" et le Groupe Vigilant du Grand Conseil genevois ont adressé au Tribunal fédéral un recours contre la décision du Conseil d'Etat de Genève visant à exonérer les employés étrangers de l'Association internationale des transporteurs aériens.
Le Tribunal fédéral n'est pas entré en matière sur le recours formé par le Groupe Vigilant du Grand Conseil genevois; pour le surplus, il a rejeté le recours en tant qu'il était recevable.

Extrait des considérants: 1.- b) (...) Le recours formé par Jenni est irrecevable en tant qu'il est fondé sur la violation de droits constitutionnels (absence de base légale, séparation des pouvoirs et parallélisme des formes, égalité de traitement).
c) En revanche, Jenni a en principe qualité pour recourir dans la mesure où il invoque la violation de son droit de vote, alors même qu'il ne serait pas personnellement lésé par l'acte attaqué. Il est donc recevable à agir dans la mesure où il soutient que le Conseil d'Etat a pris une décision que seul le législateur aurait pu prendre, en privant ainsi les citoyens du droit de référendum facultatif que leur reconnaît la constitution cantonale.
6.- Le recours de droit public n'est en principe recevable que contre une décision ou un arrête cantonal. La jurisprudence considère comme tels les actes de souveraineté émanant d'une autorité cantonale, accomplis en vertu de la puissance publique dont elle est investie et affectant d'une façon quelconque la situation de l'individu en lui imposant, soit sous la forme d'un arrête de portée générale, soit sous celle d'une décision particulière, une obligation de faire, de s'abstenir ou de tolérer.
a) Le Conseil d'Etat conteste en l'espèce l'existence d'un tel acte de souveraineté. Il prétend même qu'il n'y a eu aucun acte du gouvernement cantonal, en soutenant que les "quelques observations" présentées à l'autorité fédérale et concernant le projet d'accord avec l'IATA n'avaient pas de portée juridique. Il se fonde à cet égard sur la loi générale sur les contributions publiques (LPC), aux termes de laquelle "sont exonérés des impôts sur le revenu et sur la fortune, dans la mesure où le prévoient les conventions, accords et arrangements avec les organisations internationales publiques: a) les organisations internationales; b) les membres des conseils, les représentants et les fonctionnaires des organisations internationales". La reconnaissance de l'IATA comme organisation internationale par l'autorité fédérale lierait le canton, de telle sorte que la LCP s'appliquerait automatiquement. L'exonération de l'organisation et de ses fonctionnaires découlant de la loi précitée, l'accord conclu ne dérogerait donc pas au droit cantonal et l'approbation du canton, prévue à l'art. 4 de l'arrête fédéral concernant la conclusion ou la modification d'accords avec des organisations internationales en vue de déterminer leur statut juridique en Suisse (ci-après: arrêté fédéral), ne serait pas nécessaire. Cette argumentation doit être rejetée. L'art. 7 LCP n'exonère les organisations internationales et leurs fonctionnaires que "dans la mesure où le prévoient les conventions, accords et arrangements avec les organisations internationales publiques". L'imposition est donc la règle, l'exonération l'exception. Tant qu'un accord n'a pas été conclu, les organisations internationales et leurs fonctionnaires sont en principe imposables. La conclusion d'un accord entre une organisation internationale et la Confédération, prévoyant une exonération d'impôt sur le plan cantonal, est subordonnée à l'approbation du canton. Le fait que l'autorité fédérale reconnaisse à l'organisation en cause le statut d'organisation internationale n'a nullement pour conséquence d'obliger le canton à donner cette approbation. Par ailleurs, on ne saurait soutenir que l'art. 7 LCP ne laisse à cet égard aucune possibilité de choix à l'autorité cantonale. Celle-ci reste libre d'approuver ou de ne pas approuver le projet d'accord qui lui est soumis.
b) Il convient en outre d'observer que, devant le Grand Conseil, qui a discuté des problèmes évoqués par l'actuel recours, le chef du Département des finances et contributions a admis que le Conseil d'Etat avait donné son approbation au projet d'accord:
"Le Conseil fédéral nous a posé la question l'été dernier: savoir si nous acceptions qu'il conclût un accord de siège avec l'IATA. Nous avons été placés devant une situation difficile:. Ayant pesé les avantages et les inconvénients, nous nous sommes rendu compte qu'il était préférable, pour maintenir cette organisation sur le territoire genevois, avec les possibilités de travail qu'elle offre, l'impulsion qu'elle donne à notre économie, d'accepter l'idée qu'un accord de siège soit conclu, cela dans l'intérêt bien évident de notre canton.)... En conclusion.)... si l'IATA devait finalement quitter notre territoire, la perte générale qui aurait pu en résulter pour la commune de Meyrin aurait été nettement plus importante que l'inconvénient qu'elle subira du fait de l'application de ces nouvelles dispositions prises, avec notre accord il est vrai, par le Conseil fédéral."
Ces explications ont été confirmées par les déclarations faites par le même conseiller d'Etat à la séance du Grand Conseil du 1er avril 1977:
"Sollicité par la Confédération de donner son accord à une exonération fiscale, non seulement à l'institution comme telle, mais également à ses employés et fonctionnaires, le Conseil d'Etat a mis en balance le manque à gagner fiscal que cette mesure allait provoquer avec les avantages que le maintien de l'institution sur notre territoire pouvait procurer à l'économie genevoise."
Ainsi, le gouvernement fédéral a bien demandé l'assentiment du gouvernement cantonal, comme le Département politique fédéral l'a relevé dans sa lettre du 12 mai 1977 et comme le chef du Département genevois des finances et contributions l'a admis dans ses déclarations faites au Grand Conseil. Cet assentiment a été donné "en principe" par la lettre du Conseil d'Etat du 13 octobre 1976, et les réserves qui y ont été formulées ont été prises en considération dans l'accord définitif. L'assentiment donné par le Gouvernement genevois constitue donc l'approbation requise par l'art. 4 de l'arrêté fédéral.
c) Cette constatation ne suffit cependant pas pour que l'on en déduise que l'"approbation" donnée par l'autorité cantonale au projet d'accord soumis par le Conseil fédéral constitue nécessairement un acte attaquable par la voie du recours de droit public. Cette approbation n'impose aucune obligation ni ne confère aucun droit aux particuliers, mais constitue une décision prise dans le cadre du processus ouvert par le Conseil fédéral en vue d'accorder une exonération d'impôt aux services de l'IATA et aux membres du personnel de cette organisation. Elle est un maillon d'une procédure prévue par le droit fédéral et qui est destinée à permettre au Conseil fédéral de prendre une décision définitive et de conclure un accord. L'approbation ne déploie aucun effet direct sur le plan de la législation cantonale; elle est seulement la condition nécessaire d'une décision prise par l'autorité fédérale. Il paraît dès lors douteux qu'elle puisse faire l'objet d'un recours de droit public. Mais la question peut rester indécise.
d) Il convient [maintenant] d'examiner si l'approbation donnée par le Conseil d'Etat constitue un acte qui est susceptible de porter atteinte aux droits politiques. Cette question doit être résolue par l'affirmative.
Les recourants soutiennent en effet que le Conseil d'Etat, en donnant l'assentiment du canton à la conclusion de l'accord avec l'IATA, a empiété sur les compétences du pouvoir législatif; l'exonération d'une organisation non gouvernementale - telle que l'association précitée - et de son personnel nécessitait, selon les recourants, la modification de la loi sur les contributions, en particulier celle de l'art. 7 LCP qui ne s'applique, d'après son texte, qu'aux "organisations internationales publiques". En empiétant sur les compétences de l'autorité législative, le Conseil d'Etat a privé les électeurs de la faculté de faire usage du droit de référendum prévu par la constitution cantonale. Si l'on suit l'argumentation développée par les recourants, force est de constater que l'approbation donnée par le Conseil d'Etat, seul acte en cause, violait le droit de vote des citoyens. Ceux-ci peuvent donc l'attaquer par la voie du recours [pour violation des droits politiques].
7.- a) Ni la législation fédérale, ni la constitution ou la législation cantonales ne contiennent de dispositions sur le point de savoir quelle est, dans le canton, l'autorité compétente pour donner l'approbation requise par l'arrêté fédéral. Cependant, les recourants ne contestent pas que cette compétence eût appartenu au Conseil d'Etat si l'IATA avait été une organisation intergouvemementale, soit "une organisation internationale publique"" au sens de l'art. 7 LCP. Par ailleurs, il n'est pas non plus contesté que le Conseil d'Etat, chargé d'appliquer la loi sur les contributions publiques, est, par l'intermédiaire du Département des finances ou collégialement, l'autorité à laquelle il incombe normalement de constater la réalisation des conditions exigées par l'art. 7 LCP. Dans ces conditions, il convient d'admettre qu'en donnant son assentiment au projet d'accord avec l'IATA, le Conseil d'Etat s'est prononcé sur le statut de cette association en lui reconnaissant la qualité d'"organisation internationale publique" au sens de la disposition précitée. La question litigieuse in casu est ainsi celle de l'interprétation qu'il convient de donner à la notion de "conventions, accords et arrangements avec les organisations internationales publiques".
b) Le Conseil d'Etat soutient qu'il était lié par la décision de l'autorité fédérale d'assimiler l'IATA à une organisation internationale. Il considère donc que l'association à laquelle le Conseil fédéral reconnaît le statut d'organisation internationale pouvant conclure un accord sur la base de l'arrêté fédéral, constitue une "organisation internationale publique" au sens de l'art. 7 LCP. Cette interprétation n'est pas insoutenable.
Par ailleurs, si l'on devait admettre, avec les recourants, que le Conseil d'Etat n'est pas lié par la décision de l'autorité fédérale quant au statut de l'organisation en cause, il faudrait alors constater que l'autorité exécutive n'est pas tom bée dans l'arbitraire en considérant l'IATA comme une organisation internationale publique, en tenant compte des fonctions exercées par cette association et du rôle qu'elle joue dans un domaine important des relations interétatiques. On peut à cet égard relever qu'à l'avis de certains auteurs, l'IATA doit être considérée comme une organisation "quasi gouvernementale" (...). C'est dans le même sens, semble-t-il, que postérieurement aussi à l'adoption de l'arrêté fédéral, le Conseil fédéral a conclu avec l'Union interparlementaire, organisation "semi-officielle" ayant son siège à Genève, mais non créée par accord intergouvememental, un accord destiné à régler le statut juridique de cette organisation en Suisse, et qui confère aux fonctionnaires du bureau de l'Union non seulement des exemptions fiscales, mais aussi, dans de certaines limites, une immunité de juridiction et d'autres privilèges accordés normalement aux diplomates. Le Conseil fédéral a considéré que cette institution présentait un caractère intergouvememental prédominant (…).
C'est ainsi sans arbitraire que le Conseil d'Etat a considéré l'IATA comme une organisation internationale pu blique au sens de l'art. 7 LCP. Dès lors, il lui appartenait de donner l'approbation du canton requise par l'arrêté fédéral, et cet assentiment ne dépendait pas du vote par le Grand Conseil d'une loi soumise au référendum facultatif. Il n'y a donc pas eu en l'espèce violation du droit de vote des citoyens. Le présent recours doit ainsi être rejeté.

Sources

ATF 104 la 350

Informations complémentaires (explications, notes, etc.)