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The immunities of States and international organisations

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Base de données du CAHDI "Les immunités des États et des organisations internationales" - contribution de Canada - Jurisprudence du 21/05/1992

Code canadien du travail

(service) Auteur

Cour suprême du Canada

Date de la décision, du jugement ou de l'arrêt

21/05/1992

Points de droit

N/a

Résumé de l’affaire

L'Alliance de la fonction publique du Canada a demandé l'accréditation à titre d'agent négociateur des civils canadiens travaillant comme personnes de métier pour la marine américaine à l'intérieur d'une base américaine établie à Terre‑Neuve, conformément à un prêt-bail conclu pendant la Deuxième Guerre mondiale. La base est une installation de communications particulièrement "névralgique" et exige, pour des motifs de sécurité, l'utilisation de laissez‑passer; à certains endroits, les travailleurs doivent être munis de laissez‑passer spéciaux et escortés par des militaires. Rémunérés en dollars canadiens, les employés en question versent des impôts au gouvernement canadien et cotisent aux régimes de pensions et d'assurance‑chômage du Canada. Ils doivent signer un contrat de travail assorti d'une interdiction de grève. Avant les procédures d'accréditation, la marine américaine avait consenti à la négociation collective sous le régime des lois ouvrières américaines. Lorsqu'on a décidé que la législation américaine pertinente ne s'appliquait pas, la marine américaine a proposé de négocier néanmoins une convention collective et que toute mésentente entre les parties soit réglée par le commandant de la base. L'AFPC a jugé cela inacceptable et a déposé une requête en accréditation auprès du Conseil canadien des relations du travail. Le Conseil a conclu qu'il avait compétence à l'égard des employés civils de la base, mais il a interrompu les procédures d'accréditation de manière à pouvoir soumettre par renvoi la question à la Cour d'appel fédérale. La cour a statué que les États‑Unis ne pouvaient revendiquer l'immunité de juridiction relativement à la requête en accréditation. Les États‑Unis ont interjeté appel. Le présent pourvoi vise à déterminer si la Loi sur l'immunité des États s'applique pour accorder l'immunité à la base et, en particulier, si l'exception de l'activité commerciale, contenue dans la Loi, s'applique aux procédures d'accréditation.



Arrêt (les juges Sopinka et Cory sont dissidents): Le pourvoi est accueilli.



Les juges La Forest, L'Heureux‑Dubé et Gonthier: La Loi sur l'immunité des États est une codification de la théorie restrictive de l'immunité de juridiction conçue par la common law. La Loi maintient et clarifie cette théorie, sans toutefois en modifier le fond. Les dispositions pertinentes de la Loi, les art. 2 et 5 , sont principalement axées sur la nature de l'activité en question, tout comme l'était la common law. Cependant, tout comme dans le cas de la common law, il faut recourir à une méthode contextuelle pour appliquer la Loi: l'objet et la nature de l'activité sont tous deux pertinents en ce qui concerne cet examen. L'exception de l'activité commerciale prévue dans la Loi requiert un examen en deux étapes: il faut déterminer la nature de l'activité et ensuite évaluer son rapport avec les procédures du tribunal national.



Le travail dans une base militaire est une relation à plusieurs facettes. On ne peut pas isoler un aspect de cette activité pour ensuite la cataloguer comme étant "souveraine" ou "commerciale" de par sa nature. Il y a lieu plutôt de déterminer quels aspects de l'activité sont pertinents aux procédures en cause et d'évaluer ensuite l'impact de ces procédures sur ces aspects.



Un simple contrat de travail à la base constitue, en majeure partie, une activité commerciale et les employés canadiens auront généralement le droit de recourir à nos tribunaux pour l'exécution de leurs contrats de travail. Mais le travail à la base comporte aussi des aspects de souveraineté. En particulier, l'organisation du travail à l'intérieur de la base, traditionnellement réservée à la direction, est confiée au commandant de la base. Cet aspect du travail touche au coeur même du fonctionnement de la base et est, comme tel, de caractère souverain.



Pour que l'exception de l'activité commerciale leur soit applicable, les procédures doivent faire plus que toucher d'une manière accessoire à l'embauchage de main‑d'oeuvre civile à la base. Elles doivent toucher à l'activité considérée dans l'ensemble de son contexte. Même si les procédures d'accréditation touchent aux contrats de travail, il faut également considérer le lien concurrent qui existe entre les procédures et la gestion de la base. Le lien entre l'embauchage de main‑d'oeuvre et l'imposition de relations patronales‑syndicales non consensuelles en vertu du Code canadien du travail est trop ténu pour former le lien requis par la Loi. En même temps, la surveillance des activités de la base par un tribunal national crée un lien inacceptable en vertu de la Loi.



Ce dernier lien soulève des préoccupations d'ordre pratique. Le droit de faire la grève, qui est implicite dans le Code canadien du travail , menace de perturber la mission militaire de la base. En temps de guerre, il peut être impossible de remplacer les travailleurs en grève par du personnel militaire. Il n'est pas impossible non plus que le gouvernement canadien adopte à l'avenir une loi interdisant le recours à des briseurs de grève. De même, une mesure législative visant à mettre fin à une grève ne pourrait être adoptée que par le Parlement canadien, ce que ne peuvent faire les États‑Unis en l'espèce. Enfin, le Conseil pourrait s'ingérer considérablement dans les affaires internes de la base. Par exemple, il pourrait imposer des conditions dans une convention collective et annuler des mesures disciplinaires prises par le commandant de la base.



Le critère du "particulier" relatif à l'immunité de juridiction ne devrait s'appliquer qu'au contexte commercial dans lequel il a été conçu. Il ne s'applique pas ici. En l'espèce, le contrôle américain sur les activités de la base a été accordé expressément par le bail de 1941 et ce bail interdit clairement toute atteinte à l'exercice du pouvoir américain au moyen des lois canadiennes.



Les effets des procédures du Conseil ne se limitent pas à l'accréditation syndicale. L'accréditation donne naissance à toute une série de droits et obligations dont un grand nombre constituent des quasi‑certitudes. Si on ignorait ces obligations inévitables, l'objet de l'immunité de juridiction serait alors contrecarré: l'État étranger se verrait forcé de réclamer peu à peu l'immunité à chaque étape du processus de la négociation collective. Pareille façon de procéder n'est tout simplement pas pratique.



Il est regrettable que l'immunité de juridiction prive les employés de leur droit à la protection de la législation ouvrière en l'espèce. Toutefois, ce résultat est une conséquence nécessaire de l'engagement du Canada à respecter les politiques de courtoisie et de réciprocité internationales, de même que les engagements qu'il a pris dans le bail. Chaque fois que l'immunité de juridiction est revendiquée, certaines parties locales se trouvent inévitablement dépourvues de tout recours judiciaire. C'est un choix de principe implicite dans la Loi elle‑même.



Les juges Sopinka et Cory (dissidents): La définition canadienne de l'activité commerciale n'interdit pas explicitement ou implicitement l'examen de l'objet d'une activité, lorsqu'il s'agit de déterminer si l'activité en question est protégée par l'immunité de juridiction. Les rédacteurs de la loi canadienne étaient au courant du fait que la loi américaine interdisait explicitement pareil examen et ils ont dû s'en écarter intentionnellement pour éviter que la définition reçoive une interprétation trop étroite.



La définition canadienne accorde une importance primordiale à la nature de l'activité. Pour déterminer la "nature" ou la qualité d'une activité, un tribunal devrait tenir compte du contexte dans lequel elle s'est déroulée. Il sera souvent nécessaire d'examiner l'objet immédiat des mesures prises par l'État étranger. Cette méthode favorise l'objectif de restreindre raisonnablement l'immunité de juridiction en regardant au delà de l'objet ultime de l'acte de l'État étranger, qui sera presque toujours public, tout en continuant d'accorder à l'État étranger qui a accompli des actes de caractère véritablement souverain l'immunité de juridiction devant les tribunaux canadiens. Du fait qu'elle ne restreint pas inutilement l'étendue de l'examen, les tribunaux n'ont pas à se limiter à la classification d'une activité selon sa nature. Cette méthode contextuelle est compatible avec la définition de l'"activité commerciale" contenue dans la loi canadienne puisque c'est la nature de l'activité qui continue de constituer l'élément déterminant de la décision. En revanche, elle évite les problèmes causés par la tentative de considérer la nature et l'objet d'une activité comme étant des points tout à fait différents et distincts.



La question de savoir si les États‑Unis ont droit à cette immunité de juridiction dépend en l'espèce de la réponse aux deux questions suivantes: (1) Quelles sont les fonctions pour lesquelles les travailleurs ont été embauchés? (2) L'embauchage d'une personne chargée de remplir ces fonctions constitue‑t‑il une activité qu'un particulier pourrait exercer?



Les travailleurs sont des gens de métier engagés comme employés de soutien pour le personnel militaire. Ces travailleurs ne sont pas au courant de renseignements névralgiques et la marine américaine ne les considère pas comme du personnel sûr. À part leur rôle de soutien, ces travailleurs ne participent d'aucune façon cruciale au fonctionnement du centre de communications. L'embauchage de travailleurs pour la base ne relève pas des actes publics accomplis par un État souverain. Un État ne peut invoquer l'objet ultime d'une activité pour qualifier ses actes.



L'embauchage de préposés à l'entretien ayant un accès très restreint à une zone protégée constitue certainement une activité qu'un particulier pourrait exercer. En conséquence, l'embauchage de ces travailleurs doit tomber dans la catégorie des actes privés qui, de par leur nature, constituent une activité commerciale.



La distinction juridique entre la common law en matière d'emploi et le régime législatif de la négociation collective prévu dans le Code canadien du travail n'est aucunement pertinente pour trancher les questions soulevées en l'espèce. La common law en matière d'emploi et le Code portent tous deux sur la réglementation de la relation employeur‑employé. C'est la nature de cette relation employeur‑employé qui doit être examinée au moment de déterminer si l'immunité de juridiction devrait s'appliquer. L'engagement dans une relation fondée sur la négociation collective ne diffère pas sensiblement d'un contrat de travail individuel, nonobstant le fait que le Conseil possède de vastes pouvoirs de surveillance des relations patronales‑syndicales dans la base après l'accréditation du syndicat. La possibilité qu'une grève des employés de soutien canadiens vienne entraver le fonctionnement de la base est réduite à cause de la facilité avec laquelle la base peut avoir accès à des briseurs de grève à l'intérieur de la vaste organisation militaire américaine. Le Code canadien du travail n'interdit pas d'engager des briseurs de grève.



La marine américaine était parfaitement disposée à accepter un régime américain de négociation collective qui serait régi par la loi américaine applicable. Le gouvernement américain ne s'oppose donc pas à l'accréditation d'un syndicat en général et il est disposé à assumer les conséquences de l'accréditation. Le fait que l'accréditation aurait pour effet de conférer d'autres pouvoirs au Conseil, y compris celui d'entendre des griefs, ne saurait donc vraiment préoccuper les États‑Unis.



La réclamation par le gouvernement américain de l'immunité de juridiction relativement aux poursuites devant un tribunal canadien doit être rejetée. L'embauchage d'employés de soutien constitue une activité qu'un particulier pourrait exercer. Il s'agit d'une activité de nature commerciale. Une fois établi que l'État étranger ne jouit pas de l'immunité prévue par la loi canadienne, il ne devrait pas bénéficier d'une dispense spéciale de l'application des lois canadiennes. Un travailleur canadien, qui travaille en sol canadien, ne devrait pas être privé des avantages des lois canadiennes sauf si l'État étranger agit dans un contexte qui justifie l'immunité. Cela est d'autant plus vrai lorsqu'il appert que des Américains travaillant aux États‑Unis pour le compte d'un gouvernement étranger auraient droit, dans les mêmes circonstances, au bénéfice de la loi américaine.

Sources

Jugements de la Cour suprême [1992] 2 RCS 50

Informations complémentaires (explications, notes, etc.)

N/a