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The immunities of States and international organisations

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Base de données du CAHDI "Les immunités des États et des organisations internationales" - contribution de Suisse - Jurisprudence du 20/08/1998

Banque Bruxelles Lambert (Suisse) et consorts c. République du Paraguay et Sezione speciale per l'assicurazione del credito all'esportazione

(service) Auteur

1ère Cour de droit civil du Tribunal fédéral Suisse

Date de la décision, du jugement ou de l'arrêt

20/08/1998

Points de droit

Résumé de l’affaire

Faits
Dans le cadre de projets industriels développés au Paraguay, deux sociétés italiennes ont conclu des contrats de construction d'usines avec deux sociétés paraguayennes. Le financement de ces opérations, incluant le prix des fournitures et équipements étrangers, a fait l'objet de deux contrats de prêts accordés par deux syndicats de banques, comprenant la Banque Bruxelles Lambert (Suisse) SA, à Genève (BBL), et divers établissements à l'étranger. Les prêts ont été mis en place par Overland Trust Bank, à Genève (ci-après: OTB), en qualité d'agent des banques.
Deux contrats de garantie sont venus se greffer sur ces contrats de prêts: d'une part, Gustavo Gramont Berres, Consul à Genève, au nom de la République du Paraguay, a émis deux garanties le 5 juin 1986 et le 1er septembre 1987 à l'égard des deux syndicats de banques, avec élection de for, de la part de la République du Paraguay, en faveur des tribunaux suisses; d'autre part, la Sezione Speciale per l'Assicurazione del Credito all'esportazione, organisme d'assurance-crédit de droit public italien créé en 1977, dont le siège est à Rome (ci-après: la SACE), a elle-même donné sa garantie à l'engagement de la République du Paraguay par polices d'assurance du 26 août 1986 et du 1er octobre 1987.
Les sociétés paraguayennes n'ayant pas remboursé les prêts consentis, et ni la République du Paraguay, ni la SACE n'ayant honoré leurs garanties, les banques ont ouvert action devant les tribunaux genevois, d'une part contre la République du Paraguay afin d'obtenir le paiement des sommes garanties, d'autre part contre la SACE, afin d'obtenir la constatation du défaut de paiement, de manière à lier cet organisme d'assurance-crédit.
Par jugement incident du 19 décembre 1996, le Tribunal de première instance a dé bouté les défenderesses des exceptions d'immunité de juridiction et d'incompétence ratione loci qu'elles avait soulevées.
Statuant le 14 novembre 1997 sur l'appel de ces parties, la Cour de justice du canton de Genève a confirmé le jugement en tant qu'il dé boutait la République du Paraguay de ses exceptions d'immunité de juridiction et d'incompétence ratione loci, et en tant qu'il dé boutait la SACE de son exception d'incompétence ratione loci à l'égard de BBL. La Cour de justice a en revanche annulé ledit jugement pour le surplus et, statuant à nouveau, a déclaré irrecevable, pour cause d'incompétence ratione loci des tribunaux genevois, l'action dirigée contre la SACE par les établissements bancaires étrangers. La prorogation de for en faveur des tribunaux italiens, figurant dans les contrats d'assurance antérieurement au litige, n'était pas opposable aux banques en vertu de l'art. 12 ch. 2 de la Convention de Lugano concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale. Les banques pouvaient agir, en vertu de l'art. 8 al. 1 ch. 2 CL, au domicile du preneur d'assurance; toutefois, ce dernier n'était pas OTB, simple représentant, mais bien les banques elles-mêmes. A l'exception de BBL, sise à Genève, les demandeurs ne pouvaient donc pas agir à Genève contre la SACE.
Le Tribunal fédéral a été saisi de trois recours en réforme interjetés par diverses banques à l'étranger (recours I), par la République du Paraguay (recours II) et par la SACE (recours III). Le Tribunal fédéral a rejeté, dans la mesure où il était recevable, le recours II portant sur l'immunité de juridiction invoquée par la République du Paraguay; il
a rejeté le recours III contestant la compétence ratione loci des tribunaux genevois et suisses pour connaître de l'action intentée par BBL contre la SACE; il a admis le recours I et annulé l'arrêt attaqué dans la mesure où celui-ci déclarait irrecevable, faute de compétence ratione loci, l'action intentée devant les tribunaux genevois par les banques à l'étranger.

Extrait des considérants:
1. - a) [Jonction des causes]
b) [Ordre d'examen des recours]
Recours II (Immunité de juridiction invoquée par la République du Paraguay)
2. - [Recevabilité et examen des faits]
3. - La cour cantonale a présumé, au stade de la recevabilité de la demande, l'existence des pouvoirs de représentation de Gramont Berres et, partant, de l'élection de for et de la renonciation à l'immunité de juridiction figurant dans les actes de garantie. (...) La Cour de justice a en effet considéré que, lorsque la question des pouvoirs de représentation se pose à la fois pour déterminer la compétence du juge saisi et pour la solution au fond de la prétention litigieuse, ce fait doublement pertinent doit être résolu une fois pour toutes à l'occasion de l'examen du fond. Certes peu satisfaisante du point de vue de la méthode, cette manière de procéder permettrait au défendeur d'opposer l'exception de chose jugée à une action qui pourrait être introduite ultérieurement à un for alternatif (...).
a) Sans remettre en cause, à ce stade, l'appréciation de la cour cantonale s'agissant de la compétence ratione loci des tribunaux genevois, la République du Paraguay conteste cette application de la théorie des faits de double pertinence en ce qui concerne l'exception d'immunité dont elle se prévaut. Elle estime que cette théorie s'applique avant tout aux contestations relatives au for, et tend à permettre au défendeur d'obtenir une décision sur le fond à opposer au demandeur en cas de nouvelle demande à un for alternatif. Elle ne s'appliquerait pas, en revanche, à la question de l'immunité de juridiction invoquée par un Etat. Dans un tel cas, l'exception devrait être examinée d'entrée de cause, quant bien même elle relèverait aussi du fond, car il ne serait pas acceptable d'imposer à l'Etat de procéder devant un tribunal dont la compétence est contestée. (...)
b) Lorsque l'Etat défendeur se prévaut de l'immunité de juridiction, cette question paraît devoir être tranchée d'entrée de cause; il ne serait en effet guère compati ble avec le principe même de l'immunité de forcer un Etat à procéder sur le fond alors qu'il entend, en invoquant sa souveraineté, se soustraire à toute juridiction d'un autre Etat. Comme le relève la recourante, la possibilité de renvoyer à l'examen du fond les questions de procédure possédant une double pertinence est admise à titre exceptionnel, dans l'intérêt du défendeur (...). Or, l'intérêt de l'Etat qui se prévaut de son immunité de juridiction commande au contraire que cette question soit résolue avant toute autre.
c) En l'espèce, la Cour de justice a certes présumé, à ce stade de la procédure, les pouvoirs de représentation de Gramont Berres, signataire des contrats de garantie. Elle ne l'a toutefois fait que pour admettre la validité de l'élection de for figurant dans ces garanties, question qui ne fait pas, en tant que telle, l'objet du présent recours. En revanche, s'agissant de l'immunité de l'Etat requérant, la cour cantonale a considéré que les garanties, données par l'Etat recourant dans le cadre d'opérations commerciales, relevaient clairement d'actes accomplis jure gestionis. Cette considération, dont le bien- fondé est examiné ci-dessous, suffisait à rejeter l'exception d'immunité, sans qu'il y ait à rechercher, comme l'a fait la cour cantonale à titre subsidiaire, si la renonciation figurant dans les contrats de garantie engageait valablement la République du Paraguay. Le recours, qui porte essentiellement sur cette dernière question, tombe ainsi à faux.
4. - a) Le principe de l'immunité de juridiction permet aux Etats étrangers qui en invoquent le bénéfice d'exclure à leur égard la compétence des tribunaux suisses dans les domaines relevant de leur souveraineté. (...).
La recourante invoque le bénéfice de la Convention européenne du 16 mai 1972 sur l'immunité des Etats, tout en reconnaissant que cette convention, ratifiée par la Suisse, n'est pas applicable en l'espèce, faute pour le Paraguay d'y être partie. Même si les traités internationaux sont considérés, par la jurisprudence, comme couverts par la notion de prescriptions de "droit fédéral" (...), la convention précitée n'est effectivement pas applicable en l'espèce. Seules le sont les règles générales du droit international relatives à l'immunité de juridiction.
Depuis 1918 (ATF 44 I 49), le Tribunal fédéral s'est rallié à une conception restrictive de l'immunité des Etats. Selon cette jurisprudence, le principe de l'immunité de juridiction des Etats étrangers n'est pas une règle absolue. Si l'Etat étranger a agi en vertu de sa souveraineté (jure imperii), il peut invoquer le principe de l'immunité de juridiction; si, en revanche, il a agi comme titulaire d'un droit privé ou au même titre qu'un particulier (jure gestionis), l'Etat étranger peut être assigné devant les tribunaux suisses, à condition toutefois que le rapport de droit privé auquel il est partie soit rattaché de manière suffisante au territoire suisse ("Binnenbeziehung"; ATF 120 II 400, CH / 7). La distinction des actes jure gestionis et jure imperii ne saurait se faire sur la seule base de leur rattachement au droit pu blic ou au droit privé. Ce critère dépend en effet de la définition, malaisée, du droit public, laquelle diffère selon les Etats; il ne saurait être pris en considération qu'à titre d'indice, parmi d'autres (...). De même, le but poursuivi par l'Etat dans sa transaction ne saurait être déterminant, car ce but vise toujours, en dernière analyse, un intérêt étatique. On recherchera donc prioritairement quelle est la nature intrinsèque de l'opération: il s'agit de déterminer si l'acte qui fonde la créance litigieuse relève de la puissance publique, ou s'il s'agit d'un rapport juridique qui pourrait, dans une forme identique ou semblable, être conclu par deux particuliers (ATF 110 II 255, CH / 2 ; 104 la 367, CH / 20). La jurisprudence range ainsi parmi les actes accomplis iure imperii les activités militaires, les actes analogues à une expropriation ou une nationalisation (ATF 113 Ia 172, CH / 11), les décisions de saisie d'objets d'une valeur historique ou archéolo-gique (ATF 111 Ia 52, CH / 6); sont en revanche des actes accomplis iure gestionis les emprunts de l'Etat ou d'une banque centrale souscrits sur le marché monétaire (ATF 104 Ia 376, CH / 20), les contrats d'entreprise (ATF 112 Ia 148, CH / 10 ; 111 Ia 62, CH / 16), de bail (ATF 86 I 23, CH / 8), ou les contrats de travail passés par une représentation diplomatique avec des travailleurs remplissant une fonction subalterne (ATF 120 II 400, CH / 7 ; ATF 120 II 408, CH / 5). La jurisprudence recourt aussi à des critères extérieurs à l'acte en cause. Elle voit par exemple l'indice d'un acte accompli jure gestionis dans le fait que l'Etat est entré en relation avec un particulier sur le territoire d'un autre Etat, sans que ses relations avec ce dernier soient en cause (ATF 104 Ia 367, CH / 20 ; 86 I 23, CH / 8). Ces activités commerciales, telles des accords de livraison de marchandises ou de prestations de service, ou des engagements financiers comme, en particulier des contrats de prêt ou de garantie, ne sont évidemment pas couvertes par l'immunité diplomatique.
Par ailleurs, ce qui vaut pour l'immunité de juridiction vaut en principe aussi pour l'immunité d'exécution, la seconde n'étant qu'une simple conséquence de la première,
sous la seule réserve que les mesures d'exécution ne concernent pas des biens destinés à l'accomplissement d'actes de souveraineté.
b) En l'espèce, c'est à juste titre que la Cour de justice a exclu la recourante et défenderesse du bénéfice de l'immunité de juridiction. C'est en vue du financement de contrats de développement industriel que la République du Paraguay a garanti aux deux syndicats des banques demanderesses le rem boursement des fonds engagés. Dans le document établi le 5 juin 1986 et signé par l'ambassadeur en mission spéciale Gustavo Gramont Berres, la République du Paraguay, garant, s'oblige à verser aux banques ou détenteurs tous montants dus par la société paraguayenne et impayés par elle. Comme le relève la cour cantonale, sans être sérieusement contredite par la recourante, il s'agit d'engagements similaires à ceux qui sont régulièrement assumés par des établissements bancaires ou par d'autres particuliers. Sur le vu des principes rappelés ci-dessus, il apparaît en effet que, de par leur nature et leur portée économique pour l'Etat en cause, ces actes juridiques tombent dans le champ des actes accomplis jure gestionis. Un Etat ne saurait ainsi opposer son immunité à un particulier pour prétendre faire échec à la revendication des garanties auxquelles il a consenti. L'Etat recourant est manifestement intervenu au même titre qu'une personne privée (jure gestionis), dans le cadre d'une opération typiquement commerciale. La prorogation de for en faveur des tribunaux suisses constitue enfin, elle aussi, l'indice d'un acte "jure gestionis".
c) Ces considérations suffisent à sceller le sort du recours. Dès lors que l'Etat recourant ne peut se prévaloir de son immunité de juridiction, il n'y a en principe pas à rechercher s'il y a valablement renoncé. Toutefois, la question de la validité des pouvoirs de représentation de Gramont Berres, signataire des contrats (question qui fait l'objet principal du recours), conserve une pertinence pour juger de la validité de la prorogation de for en faveur des tribunaux suisses. Quand bien même elle relève pour le surplus du fond, cette question peut être résolue, au stade actuel de la procédure, à la faveur des considérations suivantes.
aa) La recourante et défenderesse prétend que les garanties seraient des faux; les autorités pénales paraguayennes auraient condamné Gramont Berres pour faux, falsification de sceaux officiels et violation des devoirs de fonction. La recourante ne conteste toutefois pas que Gustavo Gramont Berres a été régulièrement annoncé comme consul auprès du Consulat du Paraguay à Genève, ainsi qu'il ressort d'une attestation du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE). La même attestation précise qu'il n'existait, à l'époque, aucune ambassade du Paraguay à Berne, et que Gustavo Gramont Berres n'était pas accrédité en Suisse en tant qu'ambassadeur en mission spéciale.
bb) L'ensemble du droit diplomatique et consulaire est fondé sur les rapports de confiance particuliers qu'entretiennent les Etats contractants. A l'obligation internationale de l'Etat accréditaire de s'abstenir de tout comportement susceptible d'empêcher l'Etat accréditant de s'occuper convenablement de ses affaires, correspond l'obligation de l'Etat accréditant de veiller à ce que les diplomates qui dépendent de lui n'outrepassent pas le cadre de leurs fonctions dans l'Etat accréditaire. La Convention de Vienne souligne, dans son préambule, que les privilèges et immunités ne sont pas destinés à avantager des individus, mais à "assurer l'accomplissement efficace de leurs fonctions par les postes consulaires au nom de leurs Etats respectifs". Il en découle que les relations consulaires, empreintes de formalisme dans leur établissement, ont pour corollaire un degré élevé de confiance réciproque entre les Etats qui se les accordent.
cc) En l'espèce, l'établissement des relations consulaires entre la Suisse et le Paraguay s'est fait par consentement mutuel. De manière générale, les fonctions consulaires consistent notamment à favoriser le développement de relations commerciales, économiques, culturelles et scientifiques entre l'Etat d'envoi et l'Etat de résidence et à promouvoir de toute autre manière des relations amicales entre eux. La reconnaissance par le DFAE des fonctions officielles de consul à Genève de Gustavo Gramont Berres suppose que les formalités liées à la lettre de provision et à l'exequatur, soit l'autorisation de l'Etat de résidence d'admettre le chef de poste consulaire à l'exercice de ses fonctions à Genève ont été régulièrement accomplies. Il en découle que les opérateurs économiques qui ont été amenés à traiter avec Gustavo Gramont Berres pouvaient légitimement partir de l'idée que le consul était dûment habilité à traiter avec eux. Sous l'angle du droit consulaire, même la désignation par le Président de la République du Paraguay, de Gramont Berres en qualité d'ambassadeur en mission spéciale, et les précisions données par le Ministre des finances sur la nature des fonctions qui étaient confiées à l'intéressé, n'était pas de nature à susciter a priori la méfiance des interlocuteurs européens de Gramont Berres, puisque la Convention de Vienne envisage dans certaines circonstances qu'un fonctionnaire consulaire puisse, dans un Etat où l'Etat d'envoi n'a pas de mission diplomatique, être chargé d'accomplir certains actes diplomatiques. Il en résulte que l'Etat défendeur doit assumer les pouvoirs à tout le moins apparents créés en faveur de celui qu'il considère maintenant comme un falsus procurator.
Le recours II doit par conséquent être rejeté en tant qu'il est recevable.
Recours III (champ d'application matériel de la Convention de Lugano; notion de "matière civile et commerciale" au sens de l'art. 1 al. 1 CL)
5 - (…)
6.- [Contestation de l'application ratione materiae de la Convention de Lugano par la demanderesse aux motifs qu'une entité publique appartenant à l'Etat italien, et contrôlée par lui, ne saurait être partie à des rapports juridiques relevant de la "matière civile et commerciale" au sens de l'art. 1er CL]
a) [Application ratione personae et temporis de la Convention de Lugano]
Seule reste litigieuse la question de l'application ratione materiae de la Convention. A ce propos, la Cour de justice s'est référée à la doctrine (...) pour relever que ce qui importe, c'est bien l'objet du litige, et l'existence éventuelle d'un rapport de subordination entre parties. Or en l'espèce, si la SACE est un organisme étatique italien financé par les deniers publics et les primes d'assurance, son but est de promouvoir l'exportation et d'assumer la sécurité des transactions commerciales avec certains Etats. Les contrats conclus par la SACE avec l'intimée constituaient des contrats analogues à ceux que peut conclure un assureur privé. Le fait que les contrats d'assurance litigieux renvoyaient eux-mêmes aux règles du code civil italien (applicable en complément de la loi spéciale italienne sur la SACE, qui ne règle que la question des risques et des opérations commerciales à assurer et des conditions contractuelles) et que ces contrats ne comportent aucune trace d'un rapport de subordination entre cocontractants, permettait de conclure que les contrats d'assurance litigieux relevaient effectivement de la "matière civile et commerciale" et que la Convention de Lugano s'appliquait au litige.
b) [Référence aux jugement de de la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) et sur les conclusions développées par certains avocats généraux devant elle, concernant les dispositions de la Convention de Bruxelles]
c) [Interprétation de la Convention de Lugano avec prise en compte des arrêts des autres tribunaux]
d) [Jurisprudence de la CJCE relative à la notion de "matière civile et commerciale" ; interprétation autonome de cet article]
e) [Admission de l'interprétation "autonome" par le Tribunal fédéral] (...) Il y a lieu de considérer que les critères retenus par la CJCE dans le cadre de son interprétation autonome peuvent être repris par le Tribunal fédéral dans le cadre interprétatif rappelé ci-dessus. En d'autres termes, le critère des personnes (privées ou publiques) parties au rapport juridique considéré n'est pas déterminant, mais bien davantage la question de savoir si, au regard de l'objet du litige, l'autorité en question a agi "jure gestionis" ou "jure imperii". (...)
f) En l'espèce, la SACE, malgré son statut d'organisme étatique italien, financée par le budget de l'Etat et les primes d'assurance, a bien conclu des contrats d'assurance comparables aux contrats que peut passer un assureur privé.
(...) La police d'assurance conclue à Rome le 26 août 1986 entre la SACE et l'Overland Trust Bank (Genève) [et les clauses y figurant] (...) sont typiques de contrats d'assurance privés. Ce contrat - pas plus que les circonstances ayant mené à sa conclusion - ne fait apparaître aucun rapport de subordination entre la SACE et l'OTB ou les banques, de sorte que l'on doit admettre que la SACE a agi pour l'essentiel comme une personne privée. Comme le Tribunal fédéral l'a récemment relevé, l'applicabilité de la Convention de Lugano ne saurait être exclue du seul fait que l'une des parties en litige est une collectivité publique (...).
g) En résumé et en conclusion, la SACE, en concluant le contrat d'assurance litigieux, n'a pas agi dans l'exercice de prérogatives de la puissance publique, mais bien plutôt comme l'aurait fait un simple particulier ("jure gestionis"), en traitant sur un pied d'égalité avec son cocontractant: il s'ensuit qu'aux fins de l'application de la Convention de Lugano, la matière couverte par le contrat peut être qualifiée de "civile et commerciale" au sens de l'art. 1er al. 1 CL et que les dispositions des art. 7 ss CL sont bien applicables.
Le recours III doit, en conséquence, être rejeté

Sources

ATF 124 III 382

Informations complémentaires (explications, notes, etc.)