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The immunities of States and international organisations

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Suisse
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Base de données du CAHDI "Les immunités des États et des organisations internationales" - contribution de Suisse - Jurisprudence du 01/07/1987

Marcos et consorts c. Chambre d'accusation du canton de Genève

(service) Auteur

1ère Cour de droit public du Tribunal fédéral Suisse

Date de la décision, du jugement ou de l'arrêt

01/07/1987

Points de droit

Résumé de l’affaire

Faits
A.- Par notes verbales du 18 avril 1986 (demande informelle), puis du 25 avril 1986 (demande formelle), l'Ambassade de la République des Philippines en Suisse a adressé à l'Office fédéral de la police une demande d'entraide judiciaire internationale établie le 7 avril 1986 par l'Avocat général de cet Etat, à Manille. Cette démarche était accomplie dans le cadre d'une enquête ouverte par la Commission présidentielle pour un gouvernement honnête que la Présidente de la République, Corazon Aquino, avait instituée sitôt après la chute du régime de Ferdinand E. Marcos, qui avait gouverné le pays sans interruption depuis 1966. La Commission présidentielle a pour tâche prioritaire de prêter assistance au nouveau chef de l'Etat en vue de la récupération de toute la fortune qu'auraient acquise illicitement, dans l'exercice de leurs fonctions publiques, Marcos, ses familiers et ses proches, qui avaient précipitamment quitté le pays le 25 février 1986 pour se réfugier aux Etats-Unis d'Amérique (Etat d'Hawaï).L'Ambassade a informé l'Office fédéral de la police que l'enquête préliminaire conduite devant la Commission présidentielle avait notamment pour but la mise en accusation de Marcos et consorts devant le Sandiganbayan, cour spéciale établie par deux décrets édictés par le Président Marcos lui-même sur la b ase d'une délégation du Batasang Pam b asa (Parlement). (...) Le Sandiganbayan est un tribunal spécial ayant juridiction sur les affaires pénales et civiles touchant à la corruption, aux transactions malhonnêtes et aux autres délits commis par des officiers de la fonction publique et des employés, y compris ceux qui se trouvent dans des sociétés appartenant au gouvernement ou contrôlées par lui, dans l'exercice de leurs fonctions légales.
Les faits allégués par l'Etat requérant ont été principalement exposés dans la note verbale du 25 avril 1986 et dans ses annexes. Ils ont ensuite été précisés à plusieurs reprises. Ces documents fournissent des renseignements détaillés sur les charges qui pèsent individuellement sur chacune des personnes poursuivies. Celles-ci auraient usé de leur pouvoir politique pour prélever sur les affaires de l'Etat des bénéfices dont le montant total pourrait s'élever à 100 milliards de pesos philippins. Vingt milliards de pesos (équivalant, au moment de la demande, à 1 milliard de dollars US) auraient été transférés sur des comptes ouverts en Suisse auprès de divers établissements bancaires, selon une déclaration du Procureur général des Philippines datée du 7 avril 1986. Ces détournements de fonds auraient été opérés par divers mécanismes. Ces faits tomberaient sous le coup de la loi de la République des Philippines, réprimant la corruption et les pratiques corrompues, et du code pénal philippin révisé.
La demande d'entraide concluait à la mise en oeuvre de recherches aux fins de déterminer les avoirs placés en Suisse par les intéressés, à la communication de tous renseignements relatifs à ces avoirs, à l'adoption par les autorités suisses des mesures conservatoires et, en définitive, à la remise des avoirs saisis à l'Etat requérant.
Le 21 avril 1986, l'Office fédéral de la police a transmis la demande initiale et informelle de la République des Philippines aux autorités d'exécution des cantons dans lesquels les banques concernées ont leur siège, et notamment au Juge d'instruction du canton de Genève. Il invitait celui-ci à ordonner immédiatement des mesures provisionnelles, qui ont aussitôt été prises.
Marcos et consorts se sont opposés au blocage des avoirs litigieux. Les opposants ont demandé d'avoir accès à toutes les pièces de la procédure d'entraide, droit que le Juge d'instruction a limité, en l'état de la procédure, le 2 juillet 1986.
Par décision du 30 octobre 1986, le Juge d'instruction du canton de Genève a rejeté les oppositions. Il a simultanément ordonné aux banques concernées de lui faire parvenir les renseignements et documents qu'il leur avait demandés le 6 juin 1986. Il a informé les opposants qu'une fois en possession de ces renseignements, il statuerait sur leur transmission à l'Etat requérant par l'intermédiaire de l'Office fédéral de la police et rendrait une décision de clôture de la procédure.
Marcos et consorts ont recouru contre cette décision auprès de la Chambre d'accusation du canton de Genève. (...). Du point de vue matériel, ils soutenaient, entre autres, que la demande d'entraide n'était pas admissible, aucune procédure pénale n'étant pendante dans l'Etat requérant, dont les institutions ne garantiraient au demeurant pas le standard minimum offert aux prévenus par la Convention européenne des droits de l'homme.
Par ordonnance du 4 février 1987, la Chambre d'accusation du canton de Genève a rejeté les recours.
Agissant par la voie de cinq recours de droit administratif distincts, Marcos et consorts demandent au Tribunal fédéral d'annuler cette décision et de dire qu'il n'y a pas lieu de faire droit à la demande d'entraide judiciaire de la République des Philippines. Ils concluent subsidiairement au renvoi de la cause à l'une des deux autorités intimées. Certains recourants demandent aussi l'annulation des décisions prises par le Juge d'instruction les 6 juin, 2 juillet et 30 octobre 1986.
La Chambre d'accusation du canton de Genève propose le rejet des recours. L'Office fédéral de la police conclut principalement à leur irrecevabilité et subsidiairement à leur rejet.

Extrait des considérants:
7.- Le moyen tiré de la prétendue immunité de Marcos et des membres de sa famille ne résiste pas à l'examen. S'agissant de l'immunité dont Marcos et son épouse paraissent se prévaloir à l'égard des juridictions suisses, elle n'entre manifestement en considération, en tant qu'obligation faite à la Suisse par le droit des gens, qu'à l'égard des chefs d'Etat en fonction, situation qui n'est à l'évidence plus celle de Marcos depuis fin février 1986. L'immunité personnelle est en effet le pendant de l'immunité dont jouit l'Etat étranger quand il agit "iure imperii", c'est-à-dire dans ses attributs de puissance publique. La Convention de Vienne sur les relations diplomatiques traduit simplement dans un acte normatif un concept issu du droit international coutumier. L'immunité qu'elle accorde, notamment à ses art. 31 et 37, est un privilège en faveur de magistrats ou de fonctionnaires en activité dans l'intérêt de l'Etat qu'ils représentent, et non en faveur de particuliers, ceux-ci eussent-ils exercé naguère les plus hautes charges publiques dans le pays étranger. Il serait à tout le moins contraire au système qu'un particulier, qui n'est plus chargé de représenter un Etat, puisse invoquer son immunité personnelle à l'encontre des intérêts mêmes de cet Etat.
La question de savoir si la personne poursuivie au sens de l'art. 11 EIMP jouit de l'immunité diplomatique dans l'Etat requérant doit être résolue non par le juge suisse de l'entraide, mais par celui du fond. Il n'appartient donc pas à la Suisse en l'occurrence de trancher le point de savoir si l'ancien chef de l'Etat doit être mis au bénéfice de
l'immunité qui lui était garantie par l'art. VII al. 17 de la Constitution philippine du 17 janvier 1973 pour les actes officiels accomplis durant son mandat.
Il suffit dès lors de constater en l'espèce que les mesures de contrainte requises peuvent être ordonnées parce que l'état de fait exposé dans la demande correspond aux éléments objectifs d'une infraction réprimée par le droit suisse.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral rejette les recours dans la mesure où ils sont recevables.

Sources

ATF 113 Ib 257

Informations complémentaires (explications, notes, etc.)